
LA MAESTRIA ET MOI
À mes enfants, disciples et proches
I
Ne me faites pas courir vos courses
ne me faites pas non plus voler dans vos vols
ne me faites pas faire vos travaux
ni aimer, non plus, vos amours.
Moi, mes enfants, je vous ai transportés avec passion
en volant, toujours à vos côtés,
des confins tranquilles de la famille
jusqu’aux portes en liberté du monde.
Maintenant commence votre voyage
et si je vous laisse partir sans vous accompagner,
c’est parce que moi j’ai mon propre voyage.
Je dois donner au chemin que j’ai construit
avec ma propre vie, en écrivant,
mon nom, mes marques,
mes signes personnels qui sont la poésie.
II
En chemin vous rencontrerez l’or et la pauvreté,
les profonds précipices et les grandes plaines.
Il y aura sur vos chemins, n’en doutez pas,
des embuscades, des trahisons, de viles injustices,
c’est pour ça
qu’il convient de voyager accompagné.
Et quand vous aurez obtenu un peu de pain, un peu d’argent,
essayez de le distribuer le mieux possible entre tous.
Quelqu’un qui a déjà mangé
et qui a de l’argent pour le pain de demain
se sentira en partie heureux et son travail
ne sera pas dirigé par la faim et la haine
mais par l’amour et la liberté.
DANS UNE SOCIÉTÉ JUSTE,
LE TRAVAIL EST UN DON
I
Et voilà le vers où j’essaierai
de vous laisser l’enseignement le plus nécessaire :
Dans une société juste, le travail est un don :
une joie, un bien, proprement humain,
avec lequel on peut modifier ce qui est naturel,
la vie, les essaims de rêves, le soleil.
Avec le travail,
l’homme a pu voler sans ailes,
naviguer sur les mers sans connaître la mer.
De l’arbre,
stupéfait de surprise face à l’homme
le travail a pu arracher une chaise et de la pierre,
les signes qui forgent l’avenir de l’homme,
sa maison,
ses monuments,
sa propre pierre tombale.
II
Je veux que vous portiez toujours avec vous
le ciseau à bois, la varlope, le marteau, la faucille,
ces phrases qui serviront, jusqu’à la fin,
pour limer les aspérités de la mort.
Et si quelqu’un vous demande, pourquoi tant,
pourquoi mettre tant de passion dans le travail,
vous répondrez, avec célérité :
pour rien, nous travaillons pour vivre la vie,
nous travaillons
pour que dans le monde humain
il y ait des signes que nous, nous avons été là,
créant et travaillant,
peut-être, dans ce monde,
que nous avons fait un travail pour vivre,
pour aimer,
pour congeler le propre regard de la mort,
nous avons fait un travail et nous avons écrit un vers.
Miguel Oscar Menassa
Traduit de l’espagnol par Claire Deloupy
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